Saponification à froid, kézako ?
Le savon réalisé par la méthode de la saponification à froid est, à mon sens, le plus doux pour la peau et le plus respectueux pour la planète. Pour en comprendre les raisons, je vous invite à plonger dans le bain…de la saponification à froid.
Le savon artisanal / la saponification
On désigne par le terme de « saponification » la réaction qui permet d’obtenir du savon en mélangeant des corps gras (graisses, huiles, beurres) à une base forte (aussi appelée « alcali ») : dans le cas de la savonnerie solide, il s’agit d’eau et de soude (l’hydroxyde de sodium = NaOH). Dans le cas de la savonnerie liquide, on utilisera plutôt de la potasse.
Les acides gras entrent en réaction avec la soude et deviennent des sels d’acides gras.
Le savon artisanal est donc du sel d’acides gras.
Vous disposez désormais d’un premier indice pour déchiffrer les listes d’ingrédients cosmétiques, le fameux « INCI » (International Nomenclature of Cosmetic Ingredients), qui vous semble sûrement être du chinois la plupart du temps mais qui est non seulement obligatoire, mais également très intéressant à décrypter quand on le peut. Pourquoi est-ce un indice ?
Car, dans la liste INCI d’un savon artisanal saponifié à froid, les premiers ingrédients seront les noms de ces sels d’acides gras (les lipides qui auront été transformés en savon). Par exemple, si vous lisez « Sodium Olivate », il s’agit de l’huile d’olive saponifiée à la soude.
Dans le cas d’un savon liquide fait à partir d’huile d’olive, vous lirez plutôt « Potassium Olivate ».
Petit test :
Sodium Cocoate ? L’huile de coco saponifiée bien sûr !
Et Sodium Castorate ? Non, ce n’est pas de l’huile de castor ! Perdu !:P
…C’est l’huile de ricin saponifiée 😉
De l’origine du savon…
Tantôt attribuée aux Sumériens de Mésopotamie quelques milliers d’années avant J.-C., tantôt aux Gaulois en Europe, voire même aux Égyptiens puis aux Romains, l’origine de la découverte du savon remonte à « il y a fort longtemps » dirons-nous…
Voici une histoire sur la découverte du savon. Mythe ou réalité ? Je l’aime bien alors je vous la partage…
Il était une fois un homme préhistorique, certainement un chasseur, faisant griller son gibier au-dessus d’un joli feu de bois, à l’abri à l’entrée d’une caverne. La graisse coule sur la cendre encore chaude, quand, soudain, un orage éclate et la pluie ruisselle jusqu’à son petit « barbecue »…Les 3 ingrédients sont alors réunis pour former la première pâte à savon : de la graisse, de la potasse et de l’eau !
L’histoire ne raconte pas comme ledit chasseur a eu l’idée d’utiliser cette pâte pour (se) nettoyer avec…Dommage !
Les bases de la saponification à froid
Tout d’abord, on dit « à froid » car, à la différence des méthodes dîtes « à chaud » comme le savon de Marseille ou le savon d’Alep (voir paragraphe suivant), la pâte à savon n’est pas cuite. « Et alors » me direz-vous ? Et bien cela présente quelques avantages de taille :
- celui de ne générer aucun déchet à aucun stade de la vie du produit. D’ailleurs, il est entièrement biodégradable.
Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme
Lavoisier
Cette maxime est bien employée en ce qui concerne la saponification à froid .
Nous le verrons plus tard ce n’est absolument pas le cas des autres méthodes de saponification !
- celui de préserver entièrement la glycérine végétale qui se crée lors de la transformation, dans le savon.
Et la glycérine c’est quoi ?
Et bien c’est elle qui a un pouvoir humectant (+/- hydratant) pour la peau. C’est pourquoi les savons saponifiés à froid ne dessèchent pas la peau (contrairement aux autres savons ou gels douche) !
Aussi, en saponification à froid, on fait généralement des savons « surgras ».
Et le surgras c’est quoi ?
Et bien ça veut dire qu’on préserve une part des huiles à l’état d ‘huiles dans le savon : elles ne se transformeront pas en savon !
Je vous explique : il y a un indice de saponification différent pour chaque huile. Il correspond à la quantité de soude qui sera capable de saponifier l’huile, c’est à dire, de la transformer en savon. Or, si l’on ajoute volontairement plus d’huile dans la recette, ou bien si l’on retire volontairement un peu de soude à notre recette, toutes les huiles de la recette de se saponifieront pas, il restera un certain pourcentage dit de « surgras » (en général, entre 3 et 10%, parfois un peu plus pour certains cas mais c’est rare). Il y a un réel intérêt quand il y en a au moins 6 %, comme le fait votre savonnerie préférée libellBulle !! 🙂
A l’utilisation, vous aurez une sensation plus crémeuse quand vous ferez mousser le savon dans vos mains. Et, surtout, l’avantage principal d’un savon surgras est qu’au rinçage, vous aurez un résultat plus doux car, grâce à l’huile que le savon contient encore, il laissera un film protecteur sur votre peau.
Avec le surgras et la glycérine présents dans un savon saponifié à froid, plus besoin de crème ou d’huile pour hydrater votre peau après la douche ! Fini les tiraillements et la peau de croco !
(et en plus, c’est plus écologique et plus économique!)
En résumé…
Le savon saponifié à froid libellBulle c’est :
- des huiles saponifiées (transformées en savon) = molécule active pour laver = tensio-actif
- de la glycérine végétale naturelle (crée lors du processus de la saponification)
- de l’eau (environ 10 % dans le produit fini)
- de l’huile végétale (le surgras)
- (éventuellement des argiles ou poudres de plantes pour colorer et des huiles essentielles pour parfumer)
ET C’EST TOUT !!
Le logo S.A.F
Distinguer ce label sur un savon est une façon simple de reconnaître les savons saponifiés à froid. Il appartient à l’ADNS (l’Association Des Nouveaux Savonniers).
Pour l’instant, je ne suis pas adhérente à l’ADNS, c’est pourquoi vous ne retrouverez pas ce label sur mes savons mais j’ai simplement écrit “saponification à froid” sur mes étuis, comme le font de nombreux collègues savonniers.
L’autre méthode pour reconnaître la méthode de saponification à froid des savons consiste à savoir lire la liste fameuse liste INCI. Si dans la liste des ingrédients, vous ne voyez QUE les noms des huiles saponifiées (Sodium xxxate), les noms des huiles végétales liées au surgras (ex : Olea Europaea Oil, Cocos Nucifera Oil, etc.), la glycérine végétale naturelle (glycerin), l’eau (aqua) et éventuellement des argiles (ex : illite) et des huiles essentielles (ex : Pelargonium Graveolens Flower Oil = huile essentielle de géranium) avec parfois la liste des allergènes présents naturellement dans les huiles essentielles (ex : citral, geraniol, linalool…), vous saurez que vous êtes en présence d’un savon saponifié à froid.
Les méthodes « à chaud » :
méthode « Marseille », savon de Marseille et savon d’Alep
Contrairement à la méthode de saponification à froid expliquée plus haut, la grande majorité du marché du savon est réalisée en méthode « à chaud ».
Les corps gras (souvent des graisses animales issues de déchets d’abattoirs ou encore d’huile de palme ayant contribué largement à la déforestation…) et la lessive de soude sont cuites longuement jusqu’à ce que le savon se transforme en pâte. Pour ce faire, à l’exact opposé de la savonnerie à froid, on travaille en excès de soude. Ensuite, cette pâte à savon est rincée à grande quantité d’eau salée pour en retirer l’excès de soude ainsi que la glycérine végétale. Cette dernière sera ainsi revendue dans l’industrie cosmétique puisque, si vous avez compris son rôle « hydratant », on la retrouve dans tous les produits censés hydrater la peau comme les crèmes pour le visage ou le corps, les baumes hydratants, les gelées, les sérums, et autres « poudres de perlimpinpin » vendues par les industriels de la cosmétique.
Cette eau de rinçage est donc chargée en soude : c’est un déchet considérable à retraiter (absent en savonnerie à froid)
L’avantage de cette méthode pour les industriels est qu’elle est très rapide, le savon cuit est tout de suite prêt et ses temps de séchage sont considérablement réduits. En saponification à froid, le savon ne devient savon qu’au bout de 48h minimum puis il subit une période de “cure” (temps de séchage) de plusieurs semaines. À la savonnerie libellBulle, on réalise une cure de 8 semaines afin de vous proposer des savons biens secs qui durent longtemps 😉
Revenons-en au savon industriel cra-cra : Le savon obtenu est souvent réduit en copeaux ou “bondillons” et ce sont ces bondillons industriels que d’autres industriels (et même certains soi-disant “savonniers artisanaux” peu scrupuleux) utiliseront pour fabriquer leur savon en y ajoutant leur “touche personnelle” (toujours pas plus éthique, bien au contraire), à savoir, des parfums de synthèse, des colorants de synthèse et tout un tas d’agents de synthèse peu recommandables ni pour le consommateur ni pour l’environnement. Ces savons très polluants représentent encore malheureusement environ 90% du marché ! Une vraie catastrophe…
Le cas du « savon de Marseille »
Cette appellation, qui a souvent une bonne réputation avec l’image qu’elle véhicule du bon savon traditionnel français, de la méthode ancestrale, n’est en fait qu’un écran de fumée.
En réalité, rien ne protège ce nom : il n’y a pas de méthode déposée ni de recette précise et ce savon est rarement réalisé à Marseille. La plupart du temps, il s’agit du savon industriel cuit que j’évoquais plus haut : huiles de mauvaises qualités avec une éthique déplorable, colorants de synthèse, parfums de synthèses, conservateurs et j’en passe.
Le vrai savon de Marseille traditionnel cuit au chaudron à l’ancienne se fait très rare de nos jours ! Aujourd’hui, seules 4 savonneries traditionnelles utilisant uniquement des huiles végétales (pas forcément que de l’olive d’ailleurs, certains utilisent encore malheureusement de l’huile de palme), sans parfum, sans additifs…peuvent se targuer de faire encore du vrai savon de Marseille. Dans les boutiques bio, on trouve souvent celui de Marius Fabre, mais il y a aussi Le Serail, Fer à Cheval et la Savonnerie du Midi (la Corvette).
Pour la vaisselle et le linge, un de ces vrais savons de Marseille (à l’huile d’olive uniquement s’il vous plaît !) seront très bien, mais pour votre peau, c’est quand-même un peu agressif et desséchant : préférez un savon artisanal bio saponifié à froid et surgras : vous en connaissez maintenant les innombrables avantages !
Le savon d’Alep
Méthode ancestrale inventée à Alep en Syrie il y a plusieurs millénaires, le savon d’Alep est reconnu comme étant gage de qualité et très apprécié, à l’instar du savon de Marseille.
C’est une méthode cuite au chaudron comme pour le savon de Marseille. Ce qui les distingue c’est sa composition : uniquement à base d’huile d’olive et d’huile de baies de laurier, à laquelle on attribue des propriétés purifiantes et désinfectantes.
Il est séché à même le sol pendant plusieurs mois.
Beaucoup de sites internet vous diront que c’est un savon exceptionnel, auxquelles on confère des propriétés hydratantes, on lui attribue souvent « la douceur »…
Mettons un peu de relief à tout cela : puisque c’est un savon cuit, il ne contient plus de glycérine végétale et il n’est pas surgras non plus à ce que je sache, donc il ne contient plus d’huiles qui aient été préservées du processus de saponification. Dès lors, comment peut-on mettre en avant les propriétés des huiles (qui, elles, sont pourtant bien réelles) puisque dans le produit fini, on ne retrouve plus du tout ces huiles en question mais des sels d’acides gras (Sodium Olivate et Sodium Laurate) ?
Il serait certainement beaucoup plus intéressant de pouvoir exploiter les riches propriétés de ces huiles dans un savon saponifié à froid ! libellBulle pourra peut-être se pencher à créer un “savon d’Alep” saponifié à froid !?
Néanmoins, n’exagérons rien : les vrais savons de Marseille et les vrais savons d’Alep traditionnels sont encore ce qui se fait de plus naturel et de mieux…après les savons saponifiés à froid bien sûr.
Le pire, ce sont ces savons fabriqués à chaud avec des huiles de mauvaise qualité et si peu d’éthique
L’arnaque des « pains dermatologiques »
Les « syndet » ou “pains dermatologiques” sont aussi une belle fumisterie. Puisqu’ils sont « dermatologiques », ils doivent être particulièrement géniaux pour ma peau, non ?
Incroyable mais vrai : ce sont les pires ! Les fabricants de ces savons mettent en avant des « bases lavantes douces » quand en réalité il s’agit de tensioactifs synthétiques très irritants.
Il s’agit souvent de savons portant une mention « sans savon » (comme si le savon était quelque chose de dangereux), les savons à pH neutre ou encore les savons hypoallergéniques…
Dans le cas de ces produits-là, on ne parle même plus de saponification mais de réaction d’éthoxylation. C’est un procédé industriel hautement polluant : il s’agit de la réaction chimique d’oxyde d’éthylène (c’est un gaz incolore extrêmement toxique qui pourrait provoquer la mort en cas de rupture de la cuve) avec des phénols ou des alcools qui se transforment en tensioactif.
Les composés issus de ce processus d’ethoxylation se reconnaissent sous ces écritures :
- tous les PEGs et dérivés de PEGs : PolyEthylene Glycol (humectants)
- Les composés comportant le suffixe -eth comme le SLS (Sodium Laureth Sulfate)
- Les composés comportant le suffixe -oxynol ou le préfixe hydroxyethyl-
- Les polysorbates
- Les polysilicones
Le SLS (Sodium Laureth Sulfate) est très présent sur le marché dans de nombreux produits cosmétiques comme le savon mais également le shampoing, le dentifrice, les gels douches, les produits de rasage et aussi les lingettes pour bébé !
Il est très irritant, sa méthode de fabrication est extrêmement polluante et dangereuse et sa dégradation est carrément néfaste pour l’environnement.
Premier conseil : inspectez les étiquettes de vos cosmétiques et bannissez tous ceux contenant des sulfates en général.
Deuxième conseil : ruez-vous sur les savons artisanaux saponifiés à froid, seul gage de qualité et de respect tant pour votre peau que pour notre chère Terre Mère !